Découvrez les tests ADN récréatifs : risques, fiabilité et impact sur la société, ainsi que les considérations éthiques dans le domaine de la généalogie moderne.
©️Pixabay
Une vidéo a fait le buzz sur Youtube et Facebook, réunissant plus de 120 millions de vues. Appelée The DNA Journey, elle met en scène plusieurs personnes de couleurs, âges et nationalités différentes. Toutes sont persuadées de connaître leurs origines « 100 % Anglais » ou « « 100% Indien ». Elles se voient proposer l’opportunité de se soumettre à un test ADN pour le vérifier. Chacune ressortira bouleversée du résultat, avec des origines totalement insoupçonnées, une jeune femme se découvrant même un cousin dans l’assistance.
Si cette vidéo a un objectif publicitaire puisqu’elle a été créée pour l’opération Let’s Open Our World de l’agence de voyage en ligne Momondo, son slogan ne fait pas moins écho à une des tendances sociétales d’aujourd’hui, la recherche ADN, à travers son message «Would you dare to question who you really are ?» en français : Oserez-vous découvrir qui vous êtes vraiment ?
En France, contrairement à d'autres pays, l'usage de l’ADN n’est pas autorisé, sauf lorsqu’il s’agit de tests de filiation, acceptés uniquement sur décision de justice, à des fins médicales, ou pour raison de recherches scientifiques. On peut cependant en commander facilement sur les sites internet étrangers. De plus, la loi informatique et liberté de 1978, tout comme le règlement général de protection des données, applicable partout en Europe en mai 2018, interdisent la collecte et mise en ligne de toute donnée ethnique et médicale, ce que font les entreprises proposant des tests ADN. Car ce n’est pas un secret, il s’agit bien là, pour ces sites web, d’un véritable commerce, avec des prix allant de 80 à 1000 euros en moyenne, selon la précision de recherche attendue. Faire un test ADN récréatif en France, c'est risquer 3750€ d'amende.
Un seul test de salive peut permettre de fournir des renseignements sur les origines de l'intéressé, mais aussi des informations précieuses sur ses enfants, ses parents, ses frères et soeurs...
Il existe trois types de test :
Pour la recherche ethnique, c’est donc le test autosomal qui sera utilisé. Cette recherche peut être assez précise. Cependant la fiabilité de ces tests est assez relative. En effet, ils reposent sur un principe : le fait que certaines portions de notre ADN peuvent être mises en lien avec des zones géographiques particulières.
Par exemple, l'haplogroupe 2-234 est très présent en Éthiopie, mais beaucoup plus faible dans le Caucase. Si ce marqueur n’est qu’une indication, on peut, en en combinant plusieurs, dresser un tableau généalogique beaucoup plus précis.
Chaque zone géographique a une base de données de population de référence, qui permet, en les comparant avec les tests effectués et les segments de chromosomes obtenus, de déterminer un pourcentage de concordance. Si ces tests sont plutôt fiables pour des groupes assez larges comme les afro-américains, il est en revanche quasiment impossible de pouvoir affirmer une appartenance à une ethnie africaine ou indonésienne, et il existe aussi de nombreux peuples que la science n’a pas encore étudiés. De plus, le brassage de population survenu en Europe pendant de nombreuses années et aujourd’hui partout dans le monde ne permet qu’une fiabilité relative.
Le stockage des échantillons de salive utilisés pour faire ces tests, ou encore des résultats obtenus amène de nombreuses questions. En effet, il n’y a aucune certitude permettant de dire qu’ils ne serviront pas à mener des projets de recherche, ou éventuellement qu’ils ne seront pas vendus à des laboratoires autres que génétiques. De plus, le principe même de ces bases de données génétiques repose sur la notion de partage, afin de rentrer en contact avec des personnes au profil génétique similaire au sien et continuer conjointement les recherches. La discrétion génétique n’est donc plus assurée, alors même qu’on peut effectuer un test sans avoir le but de rencontrer des cousins éloignés.
De plus, ces tests sont très critiqués notamment par la Société française de génétique humaine à cause des «dérives associées à des interprétations indues des résultats de ces tests, et des dangers qui peuvent en résulter».
L'agence des frontières du Home Office au Canada a par exemple créé un projet pilote dans le but d’éviter les fraudes parmi les demandeurs d'asile en déterminant leur nationalité par le biais de tests ADN. Dans ce même pays, l’utilisation de ces données fait débat, en effet il n’y a pas de législation contre la discrimination génétique. Ainsi une personne faisant un test génétique peut se voir forcée d’en dévoiler les résultats, et des personnes ont perdu leur emploi ou se sont vu refuser une assurance à cause des résultats de certains tests ADN, qui permettent de trouver des prédispositions à certaines maladies comme Alzheimer.
Il ne faut de toute façon pas perdre de vue le fait que la généalogie génétique ne concurrence pas la généalogie traditionnelle, en effet elle apparaît plutôt comme un outil et la complète là où les actes civils manquent.