Tests ADN récréatifs : les risques pour votre vie privée et vos données génétiques

Dans cet article nous faisons le point sur les dangers des tests ADN récréatifs, interdits en France mais toujours populaires. Collecte de données, fiabilité, sécurité et conséquences émotionnelles - ce que vous devez savoir avant de faire un test.

Tests ADN récréatifs : les risques pour votre vie privée et vos données génétiques

©️Geneafinder

Alors que les tests ADN récréatifs sont toujours interdits en France, on estime que 100 000 à 200 000 Français auraient recours à ces tests chaque année. De plus, le film Cocorico, réalisé par Julien Hervé et sorti en 2024, présente les mésaventures d’une famille qui découvre ses origines génétiques grâce à des tests ADN - une comédie légère qui dénote face aux risques que peuvent présenter ces tests

C’est pourquoi, le 6 mars dernier, la CNIL a de nouveau appelé à la vigilance quant à l’utilisation de tests génétiques « récréatifs ». Elle estime que de nombreux risques existent concernant la collecte des données génétiques, qui sont, on le rappelle, vos données les plus précieuses…

Bien que ces tests soient interdits en France, les sociétés privées étrangères sont nombreuses à proposer ce genre de tests ADN : 23andMe, My Heritage, LivingDNA, Gene by Gene, AncestryDNA et bien d’autres… Cependant, il est bon de savoir que, si ces tests peuvent parfois débloquer votre généalogie, ils présentent tout de même des menaces et inconvénients à ne pas négliger


Tests ADN récréatifs : des données précieuses présentant un réel risque de discrimination

Alors qu’il peut sembler anodin de « cracher dans un tube », les utilisateurs de ces tests oublient souvent qu’ils y laissent un nombre d’information démentiel. L’ADN est notre donnée personnelle la plus précieuse pour une raison essentielle : il contient l’entièreté de notre patrimoine génétique. Mais il ne donne pas uniquement nos propres informations - nos données génétiques concernent également nos parents, nos frères et soeurs et nos enfants


Faire un test ADN n’est donc pas un acte individuel et ne doit pas être présenté comme un acte sans conséquence, comme un moyen - comme un autre - de faire sa généalogie. Un test ADN ne sera d’ailleurs jamais anonyme, c’est votre marqueur unique, et l’anonymat de vos proches est menacé par la même occasion.


Et puis, les informations génétiques peuvent être utilisées pour discriminer les individus selon leur origine ethnique, leur prédisposition à certaines maladies ou d’autres caractéristiques génétiques. Les conséquences de ces discriminations peuvent être nombreuses et pourraient concerner l’accès à l’assurance, à l’emploi ou à d’autres services. Pire encore, les informations génétiques obtenues grâce à ces tests pourraient être utilisées pour promouvoir des idéologies dangereuses et totalitaires - des « mauvais souvenirs » qu’il est primordial de ne jamais oublier.


La fiabilité des tests ADN récréatifs est remise en cause


Ce genre de tests ADN n’est jamais fiable à 100%. 


D’abord, les résultats peuvent varier en fonction de la société qui réalise le test. Elles utilisent des méthodes d’analyse diverses et peuvent même fournir des résultats différents pour une même personne. En 2018, la société génétique Ambry Genetics a démontré que les résultats de tests ADN récréatifs de cinq sociétés différentes pouvaient varier considérablement, avec des différences proches de 40% dans l’estimation de l’ascendance ethnique.


Ces résultats sont aussi imprécis en raison de la taille et de la diversité limitée (base surtout Européenne) de la base de données de référence servant à comparer l’ADN des clients à celle des populations de référence. Ce manque de fiabilité et donc, de précision, peut conduire à de grandes déceptions.

Enfin, il est important de rappeler que votre ADN ne donnera jamais d’indication sur votre culture. Il ne vous renseignera pas non plus sur les lieux, l’histoire et les cultures de vos ancêtres.


La confidentialité et la sécurité des données génétiques sont à risque


Vos données génétiques ne sont pas franchement protégées une fois que vous les avez transmises à la société qui vous a vendu un test ADN récréatif. Elles peuvent être, en plus, conservées entre 1 à 10 ans…


En effet, les sociétés qui vous proposent ces tests peuvent vendre ou partager les données de leurs clients avec des tiers - des sociétés pharmaceutiques, des assureurs, des forces de l’ordre, par exemple. Des tiers qui peuvent, eux aussi, réutiliser vos données génétiques à des fins commerciales, médicales et judiciaires sans votre consentement. Pour savoir si la société auprès de laquelle vous seriez tenté d’acheter un test ADN travaille de près avec ce genre de partenaires, il convient évidemment d’éplucher leurs politiques de confidentialité et conditions générales d’utilisation et de vente - ce qui n’est pas une mince affaire. N’oublions pas non plus que les entreprises sont libres de modifier leur politique de confidentialité (avec votre consentement).


Et puis, les données génétiques intéressent fortement les pirates informatiques. Elles peuvent donc être piratées et volées pour commettre des fraudes, des vols d’identité ou pour accéder à des informations sensibles sur la santé et les antécédents familiaux. Ces données génétiques valent de l’or, ne l’oublions pas.

En 2023, le site 23andMe a reconnu que des informations liées aux tests ADN de 6,9 millions de clients avaient été dérobées. Les données récupérées sont les noms, les années de naissance, les liens avec d’autres personnes et leur pourcentage d’ADN en commun, l’analyse généalogique et la localisation géographique. Il semblerait que le hacker se soit servi d’identifiants et mots de passe volés sur d’autres sites - une raison supplémentaire de ne pas utiliser le même mot de passe partout…


Quand à MyHeritage, l’UFC-Que Choisir a choisi de saisir la CNIL en 2020, estimant que les finalités de ses tests étaient mal encadrées et imprécises, que les droits des clients sur leurs propres données étaient trop limités et que les données étaient finalement accessibles à tous par défaut. 


Les conséquences émotionnelles des résultats de tests ADN ne sont pas négligeables


Enfin, de nombreux utilisateurs sous-estiment l’impact émotionnel des résultats d’un test ADN récréatif. Alors que les objectifs de ces tests peuvent être généalogiques ou médicaux, il est bon de savoir que les informations renvoyées peuvent être surprenantes voire bouleversantes sur les origines ethniques, les relations familiales ou les risques de maladies génétiques. Il a été démontré que certains utilisateurs de ces tests les détournaient pour des recherches de paternité - des résultats qui vont donc largement au-delà d’une enquête ludique…


Le manque de conseils génétiques est un autre facteur à prendre en compte quand on choisit d’acheter un test ADN. Les sociétés qui vendent ces tests ne proposent que très peu d’accompagnement - il peut être très compliqué de comprendre et d’interpréter leurs résultats.


Au Royaume-Uni  l’organisme Watchdogs a expressément demandé aux sociétés d’analyses ADN d’avertir les consommateurs des risques émotionnels, potentiellement traumatisants.



Tests génétiques généalogiques - que dit la loi en France ?


Aujourd’hui en France, et comme le rappelle la CNIL, la loi encadre strictement la réalisation et l’utilisation des tests génétiques qui « ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’une enquête judiciaire, pour la prise en charge médicale ou à des fins de recherche ».


La Loi de bioéthique française interdit formellement la réalisation de tests ADN à des fins récréatives ou généalogiques. 


Le Code civil français, lui, prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son secret des origines. Réaliser un test ADN récréatif sans le consentement de la personne peut être considéré comme une atteinte à la vie privée. 


Quant au Code de la santé publique, il interdit la publicité pour les tests ADN récréatifs et généalogiques. 


Enfin, le RGPD s’applique, lui aussi, aux données collectées par les sociétés d’analyse des tests ADN. Elles doivent respecter les règles relatives à la collecte, au traitement et à la protection des données personnelles.


Puisque ces tests sont interdits en France, il est important de rappeler que l’achat d’un test ADN récréatif est passible de 3 750€ d’amende (selon l’article 226‑28‑1 du code pénal) et que leur vente en France fait risquer aux personnes et entreprises proposant ces tests 15 000€ d’amende et un an de prison. 



Vous regrettez d’avoir fait un test ADN récréatif ? Que faire ?


Vous avez réalisé un test ADN et regrettez finalement d’avoir confié vos données les plus précieuses à une entreprise qui s’enrichie grâce à ce don ? Vous disposez de plusieurs droits. 


Le RGPD vous ouvre plusieurs droits en France et en Europe : 

  • Droit à l’information : vous pouvez demandé à être informé de la façon dont vos données génétiques seront utilisées, stockées et partagées.
  • Droit au consentement : vous devez donner votre consentement éclairé avant un test ADN récréatif tout en comprenant les implications, risques et limites d’un tel test. 
  • Droit à la confidentialité : les sociétés d’analyses ADN doivent prendre des mesures pour protéger vos données et empêcher leur divulgation à des tiers sans votre consentement. 
  • Droit d’accès : vous pouvez accéder à vos données génétiques et les récupérer dans un format utilisable. Vous pouvez aussi demander à savoir qui a accès à vos données et dans quel cadre.
  • Droit à l’effacement : vous pouvez demander la suppression de vos données génétiques si vous ne souhaitez plus qu’elles soient stockées et/ou utilisées. 


La CNIL dispose également de plusieurs leviers face à la vente de tests génétiques sur Internet. Elle effectue des contrôles réguliers quant aux traitements de données qui, en cas de manquements au RGPD, peuvent mener à des mesures correctrices (amende jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du CA mondial). Ces mesures peuvent concerner des entreprises étrangères tant que l’offre de service est liée à des personnes se trouvant sur le territoire de l’Union européenne. 


Enfin et si la lecture de cet article ne vous coupe pas l’envie de faire un test ADN, n’oubliez pas de comparer les conditions d’utilisation, de vente et les politiques de confidentialité des sociétés, d’évaluer longuement les risques encourus et d’en parler autour de vous voire même d’en parler à un professionnel de santé si vos besoins sont plus médicaux que généalogiques.

 

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