A l’occasion des 40 ans de la course transatlantique en solitaire, la Route du Rhum, Geneafinder a choisi de vous partager un article à contre-courant.
Nous ne parlerons pas de l’immigration européenne vers les Caraïbes, mais plutôt de l’émigration des Caribéens vers les grandes puissances américaines et européennes.
A l’origine de la Route du Rhum naît l’idée de relancer la filière du rhum, autrefois l’une des industries les plus importantes en Guadeloupe. Mais à l’origine de l’émigration de nombreux habitants des Caraïbes il y a la recherche d’une vie moins dure. Autrefois colonies, depuis le milieu du XXe siècle, l’émigration tient une place prépondérante dans ces îles. C’est désormais une région que l’on quitte, plutôt qu’une région dans laquelle on s’installe.
Différentes sources nous rapportent que près de 6 millions d’habitants des Caraïbes ont quitté leur pays en direction de l’Amérique du Nord et de l’Europe au XXe siècle. En effet, les pays développés et leurs industries sont en pleine croissance et ils ont besoin de main d’œuvre. Cette main d’œuvre leur permettra, quelque part, de s’enrichir pendant et après la guerre (usines d’armement, business automobiles florissants et reconstruction). Durant les années 1960, les États-Unis et le Canada mettront même en place des lois afin de favoriser l’arrivée des ces migrants des Caraïbes.
Climat politique défavorable voire instable, difficultés économiques, désertification… les raisons sont nombreuses pour pousser les Caribéens à partir avec l’espoir que l’herbe soit bien plus verte ailleurs. Beaucoup de Puerto-Ricains, de Cubains, de Haïtiens, de Jamaïcains, de Barbadiens et de Guyanais partiront pour les États-Unis tandis que de nombreux Antillais, de Guadeloupe et de Martinique, partiront pour la France.
La « première » vague d’émigration des Antilles vers la France arrive durant l’entre-deux guerres. Issus principalement des classes moyennes, ces nouveaux arrivants ont pour idée de travailler, d’étudier et de se former sur le continent avant de rentrer au pays. A partir des années 1960, leur nombre explose après, entre autres, l’effondrement de l’exploitation des plantations de sucre et la crise sociale qui en découle. Les migrants des Antilles représenteront même la 5e plus importante population d’arrivants dans la métropole française, après les Portugais, les Africains du nord et les Italiens. On explique aussi cette grande vague de migration par le fait qu’elle eut été largement encouragée par les usines françaises au besoin de main d’œuvre, puis facilitée par le gouvernement français à l’époque.
Le ralentissement de la croissance économique en France et les conditions difficiles du marché du travail dans les années 1970 expliquent la baisse de l’engouement des départs antillais vers la métropole. Beaucoup rentreront « au pays » d’ailleurs, ils seront plus de 20 000 à le faire dans les années 1990. Dans ces mêmes années, cette migration de travail se retrouve plutôt dans des emplois peu qualifiés et/ou dans les services publics qui recrutent sur concours national.
Cependant, l’arrivée des Antillais en France ne sera pas un long fleuve tranquille. Chômage, difficultés financières, discrimination et racisme rythment la vie de ces Français d’outre-mer dont l’intégration n’a pas toujours été facile. En réponses à ces difficultés, les Antillais se mobilisent et n’ont d’autres alternatives que de revendiquer leur identité collective culturelle.
Et si finalement les Antilles finissent par les rappeler, le retour sur leur île n’est pas si simple non plus. Alors que les immigrés des années 60 rentraient avec fierté dans les îles, plus les années ont passés plus cela s’est avéré difficile. Certains codes de la culture antillaise (la langue traditionnelle, la cuisine, le style de vie…) qu’ils revendiquaient sur le continent ont évolué pendant leurs dizaines d’années d’absence. Ils ont parfois oublié quelques notions de créole et endurent aussi le mépris de ceux qui ne sont jamais partis. Alors comment faire pour trouver sa place au fil des migrations ? Là est bien toute la question.
En conclusion, les humains sont comme des plantes : très attachés à leurs racines, nous devons parfois nous éloigner de chez nous pour survivre, s’implanter autre part, s’acclimater, se faire une place pour capter un peu de lumière, puis de nouveau repartir… Ce n’est pas chose facile et il y a bien des enseignements à tirer de l’histoire de ces Français d’outre-mer.
Pour aller plus loin :
Histoire et mémoire des immigrations en régions, Martinique – Guadeloupe
Histoire de la Guadeloupe, Volume 1
Nouveau voyage aux isles de l’Amérique. Tome 2
Nouveau voyage aux isles de l’Amérique. Tome 5